Philippe Mathis et l’ODD15
Penser avoir eu raison trop tôt ou bien se réjouir d’avoir été précurseur d’une prise de conscience mondiale, je choisis le verre à moitié plein !
Suis-je né à la bonne époque, à l’adolescence, j’ai cherché à faire entendre le chant des oiseaux aux adultes, comme une complainte à la beauté que je désirais protéger. Quelques décennies plus tard, la musique arrive aux oreilles des décideurs politiques, le parcours du combattant pour la nature se fait entendre. L’ODD13, l’ODD14 et l’ODD15 seraient-ils les signes avant-coureur que la nature va finir par être aimée de l’homme, pour ce qu’elle lui apporte de services gratuits et de bien-être ?
L’émerveillement pour la nature fut ce jeune écureuil que ramena mon père, un jour d’orage, à la maison. Passé le moment horrifié de ma mère à la vision de ce « rat » tout mouillé, le petit pensionnaire devint le centre d’intérêt de la famille. Il fut rejoint par un jeune faucon crécerelle blessé auquel j’appris à chasser le campagnol dans le pré voisin. C’est ainsi que tout naturellement mes loisirs furent orientés vers les associations telles les Jeunes Amis des Animaux et de la Nature, le Fonds d’Intervention pour les Rapaces puis la Ligue pour la Protection des Oiseaux dont je fus, avec passion, l’un des acteurs de la régionalisation.
De la profusion de souvenirs émerge le camping « sauvage » dans la neige du massif Vosgien, afin de surveiller les aires de reproduction de Faucons Pèlerins qui étaient braconnés pour des fauconniers du Golfe et subissaient le ravage du DDT, cet insecticide qui tuait les embryons dans les œufs fragilisés. En ces années 70, notre militantisme fut concomitant à l’interdiction de ce poison et à la loi de 1976 pour la protection de la nature qui fut suivi des premiers décrets de protection des rapaces comme espèces protégées.

Ancien Président, Vice-Président, Secrétaire Général d’ONG de protection de la nature, mon engagement se poursuit aujourd’hui dans le champ politique notamment, afin que le développement vise au bien-être humain et à la prospérité. Co-fondateur des C2A, je suis convaincu que l’avenir réside en grande partie dans l’engagement de chaque citoyen.
La lecture de l’ouvrage de Jean Dorst « Avant que Nature Meure » fut un révélateur prémonitoire qui marqua mon engagement
S’en suivi un quart de siècle d’engagements associatifs, des années de combat pour la protection des busards cendrés dans les plaines céréalières où les monocultures ont fait disparaître les zones humides, sites de nidification de ce rapace au vol ondulent au-dessus des blés, aux poses de nichoirs pour permettre la survie des chouettes chevêches que les remembrements et leur corolaire d’arrachage de haies, conduisaient comme les pies grièches grises à abandonner nos campagnes. Du refus de voir le joyau mosellan de biodiversité, l’étang de Lindre, transformé par un Président de Conseil Général en pisciculture intensive, de l’obtention contre l’avis d’un Président de Parc Naturel Régional, d’un nouveau tracé d’une ligne TGV dont le territoire fut par la suite classé au titre d’un traité international de conservation, la Convention de Ramsar.

Souvenirs aussi, ces manifestations dans les Vosges contre les pluies acides, l’écriture et la remise à Nicole Fontaine , Présidente du Parlement Européen, avec Allain Bougrain Dubourg d’une pétition de 2 139 256 signataires, sur papier, visant à conforter la Directive Oiseaux, l’engouement de compassion et mobilisation citoyenne suite à la marée noire de l’Erika… Que d’exaltations pour mère nature !

Alors que les chasseurs avaient recueilli 1,6 millions de signatures , BirdLife International, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et France Nature Environnement (FNE) ont fait mieux avec les 2 139 256 signatures de la pétition qu’ils ont lancé en faveur des oiseaux migrateurs.
Nul doute que ce chiffre impressionnant (c'est la 1ère fois qu'une pétition en faveur de la conservation recueille autant de signatures), donnera à réfléchir aux députés dès le 21 mars 2000, lors du débat sur le projet de loi sur la chasse présenté par le Gouvernement français.
Cette pétition a circulé dans 19 Etats européens pour demander au Parlement uropéen de s'opposer à tout projet de modification de la Directive Oiseaux et exiger son application massive. Concernant la France, les signataires demandent au Gouvernement français d'abroger la loi de juillet 1998, de raccourcir la période de chasse et d'appliquer la Directive immédiatement.
C'est en France et en Grande Bretagne que la pétition a été la plus massivement soutenue, avec respectivement 1 129 797 et 521 850 signatures, toutefois la Belgique avec une population beaucoup moins importante a tout de même atteint 121 777 signatures.
La pétition sera présentée officiellement à Madame Nicole Fontaine, Présidente du Parlement Européen, le 1er mars 2000 à Bruxelles.
Outre cette pétition, dans la perspective du prochain débat sur le projet de loi sur la chasse, la LPO invite les associations et particuliers à envoyer un courrier à leur député concernant la fixation de dates de chasse raisonnables, l'interdiction de la chasse de nuit et la reconnaissance du droit de non-chasse pour les propriétaires terriens.
Agir fut aussi une « Mission Nature » par l’organisation de chantiers d’insertion permettant la remobilisation de personnes en difficulté d’intégration qui permis, en France, l’expérimentation des premières restaurations de cours d’eau avec des techniques végétales de fascinage, revégétalisation des berges, plantation de haies post remembrements…
Puis arriva, la réforme du statut fiscal des associations rendant impossible des activités rémunératrices permettant de financer les actions d’intérêt général, le fisc inventa la filialisation des activités dites à leurs yeux lucratives, limitant ainsi les capacités d’indépendance des associations dites dans le langage politique, de contre-pouvoir. Les 35 heures achevant de détruire l’esprit du bénévolat des salariés associatifs, dénaturant la passion de l’engagement.
Après une pause de 15 ans et un passage dans des îles paradisiaques, La Réunion, Maurice, Madagascar, le retour fut un constat que la 6ème extinction du vivant était bel et bien en cours, et qu’il était impossible, que le militant dans l’âme de la préservation de la biodiversité ne reprenne pas le chemin de sa passion de jeunesse.
Le rapport de l’IPBES présenté au G7 Environnement en 2019 dans ma ville natale de Metz.
Entre tristesse et exaltation, de constats alarmants aux initiatives pleines d’espoirs, les sciences et pratiques de l’écologie sont devenues matures, se lèvent de partout une nouvelle conscience qui amène à un changement de boussole, comme la théorie du Donut, « 10 ans pour changer le monde » et dans l’actualité de 2021, l’édification d’un 3ème plan stratégique pour la biodiversité, une Assemblée Générale de l’UICN à Marseille qui portera haut et fort les Solutions Fondées sur la Nature et le message de Antonio GUTERRES, Secrétaire Général de l’ONU, qui exhorte les Nations du monde de faire la paix avec la nature, en fin d’année la COP 15 qui fixera la voie pour une décennie d’action pour la biodiversité.
De partout la nature est reconnue comme une fonction vitale pour l’humain et l’espoir renaît d’inverser la progression de la destruction du monde vivant.
Les @Citoyens2Anneau, un collectif de citoyens qui émerge dans cette prise de conscience, des citoyens qui s’engagent sur tout l’éventail d’un guide ouvert qui s’écrit au quotidien de leurs initiatives, les 17 ODD qui orientent, comme prôné par le PNUD, le Développement Humain visant à la « Prospérité » et la recherche du bien-être dans un monde où personne ne doit être laissé de côté.

Participation en tant que Citoyen de l’Anneau aux Assises nationales de la Biodiversité de Massy en 2020 ”
Alors, suis-je né à la bonne époque, et bien disons que l’avènement de l’ère de l’Anthropocène me permet de dire aujourd’hui que j’aurais eu plusieurs vies, que la nouvelle n’est pas écrite et que mes pas surfent sur les possibles.
Ce témoignage restera une lettre ouverte à ma conscience, que dois-je faire maintenant, quelle priorité, comment puis-je être utile ; par l’engagement politique, l’action associative pour la préservation de la nature, la participation à l’émergence d’une nouvelle pensée écologique, l’innovation dans la finance verte, l’évolution de pratiques économiques préservant le capital naturel et la biodiversité …
Ce qui donne un sens à la vie, c’est de se dire que l’essentiel est d’accomplir ses rêves et ne pas se poser la question du comment !
Alors, je me réveille à nouveau et je me surprends de rêver, éveillé, comme à mon adolescence…
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À propos de l’auteur
Reporter C2A
Philippe, militant associatif de la première heure de la protection de la nature, porte un regard d’espoir sur la prise de conscience universelle que le temps de faire la paix avec la nature est devant notre porte.